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Double Je
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5 mai 2007

Arménie, l'autre visage d'une diaspora

France 5 a diffusé un film documentaire sur la diaspora arménienne "Arménie, l'autre visage d'une diaspora", au travers de quelques personnalités (Charles Aznavour, Serge Tchuruk, André Manoukian, Eduardo Eurnekian, Armen Petrossian, Valérie Toranian, Michel Legrand). Chacun essaye de décrire ses relations avec leur arménité, avec l'Arménie qu'ils ne connaissent pas tous.

Je me suis reconnue dans beaucoup de phrases.
André Manoukian explique qu' "on ne se sent porteur de son territoire que lorsqu'on l'a quitté." On est attaché à ce pays alors qu'on ne le connait pas, parce que c'est plus qu'un pays, il transcende les frontières géographiques, on parle de peuple, éparpillé dans le monde suite à un exode forcé. Un peuple qui, après la souffrance et l'horreur, a dû tout recommencé du début dans les différents pays qui l'ont accueilli, tout en restant discret et travailleur. Les communautés arméniennes ont plutôt réussi alors qu'elles ne sont parties de rien.

Le reportage montre qu'au départ, la première génération d'immigrants arrivée à partir des années 1920 ne parlait pas de ce passé douloureux, parce que le seul but était de s'intégrer. Bien sûr ils avaient la culture, la religion, la cuisine. Cette génération a appris aux générations suivantes la valeur du travail. Mais à partir de la troisième, les consciences se sont réveillées. Les Arméniens devenus donc Français puisque nés en France, ont découvert quasiment d'eux-mêmes l'histoire de leur peuple. On ne leur avait pas mis le génocide dans le crâne au contraire. Mais surtout avec le tremblement de terre de 1988 qui a été terrible, beaucoup ont découvert leur attachement à l'Arménie. C'est à ce moment-là que beaucoup ont fait un voyage là-bas.
Valérie Toranian, rédactrice en chef du magazine ELLE, disait qu'à l'époque elle pleurait au boulot, mais en cachait la raison, parce qu'elle savait que les autres trouveraient ca ridicule de pleurer pour un pays dont on ne connait quasiment rien, où on n'a jamais mis les pieds. C'est très bizarre, mais comme je le disais, c'est pas juste l'Etat arménien. Il faut savoir que l'Arménie, après le génocide a été amputée de 90% de son territoire historique. Avec le séisme, tous les Arméniens du monde se sont sentis concernés.
Et forcément la troisième et quatrième génération (dont je fais partie) en parlent plus et revendiquent plus. Parce que les premiers arrivants se sont sacrifiés pour nous et on veut leur rendre justice.

Il y a pas mal de gens qui ne comprennent pas cette double culture: "quand on est Français, on est Français point final."
Mais quand on est parti de ses terres non par choix mais pour sa survie, et la survie de son peuple (il y a autant d'Arméniens en Arménie qu'en diaspora), on a toujours en soi ce passé, lourd, d'autant plus quand le pays responsable le nie en bloc, on ne peut pas renier ces racines-là. Alors comme le dit Eduardo Eurnékian, entrepreneur argentin, "il n'y a pas de dichotomie ni d'affrontement intérieur". Les deux cultures (et dans mon cas, il y en a même trois) cohabitent paisiblement. On est Français parce qu'on a reçu une éducation française, parce qu'on vit en France, parce qu'on est reconnaissant envers ce pays qui a donné la chance à nos ascendants de reconstruire leur vie. Mais on est aussi Arméniens parce qu'on a une histoire arménienne, car si on est en France, c'est parce qu'on a fui notre territoire par obligation, parce que nos grands-parents ou arrière-grand-parent étaient Arméniens. Là-dedans, il n'y a pas la notion de nationalité (beaucoup s'insurgent quand on dit "je suis Arménien"). mais de peuple. Sinon ca serait comme dire "nos ancêtres les gaulois". On est Arménien de peuple. Et je ne vois pas en quoi c'est trahir la France que de dire ca. Serge Tchuruk, PDG d'Alcatel, parle même de "dette" envers la France et les autres pays d'accueil qui "est quasiment dans nos gênes. Ces pays ont fait de nous ce que nous sommes".

Quand un Arménien a réussi, on est content pour lui et pour nous. il a beau être un quart arménien, c'est la même chose, parce que je pense qu'au fond de nous, réussir ca nous venge, ca montre que malgré les efforts à essayer de nous éliminer de la surface de la Terre, on est encore bel et bien là. Alors on est fier. Surtout les Turcs disent que nous ne vivons qu'à travers le "soit-disant génocide" (expression qu'ils adorent). Bien sûr que c'est une partie importante de notre culture puisque ca a changé le cours de l'existence du peuple arménien qui se retrouve au 4 coins du monde alors que pendant 3000 ans il était au même endroit. La musique, les arts tournent autour de cette tragédie, on ne peut pas passer outre, ca fait partie de nous. Mais heureusement que ce n'est pas tout, et que les Arméniens ne s'enferment pas dans une lamentation sans fin, non il y a de la mélancolie maus aussi de la joie, et quand on se réunit c'est pour faire la fête.

L'histoire de l'Arménie ne finit pas ni ne commence pas avec le génocide, elle continue malgré le génocide. Et ce reportage nous montre cet aspect-là en interrogeant ces personnalités, en filmant les jeunes en Arménie, un pays qui se modernise, qui n'a qu'une envie, c'est de sortir de la misère et du post-soviétisme, tout en gardant ses traditions millénaires, sa religion, sa culture. Et la diaspora également additionne l'héritage culturel arménien, la mémoire, le passé, à la culture des pays dans lequel elle se trouve. Un Arménien d'Arménie, un Arménien de France, un Arménien des Etats-Unis et un Arménien d'Argentine n'ont pas la même culture, mais ils ont la même identité: l'arménité.

En gros, c'est un documentaire à ne pas rater pour mieux connaître et surtout mieux comprendre ce sentiment étrange, presqu'indescriptible: rediffusion le vendredi 11 mai à 14h45 sur France 5.


Je rappelle que c'est l'année de l'Arménie jusqu'au 14 juillet. Il y a des tas d'expo, d'événements (danse, musique) partout en France autour de cette saison culturelle. Je conseille par exemple pour le mois de Mai à Paris:

- Missak Manouchian, les Arméniens dans la Résistance en France (jusqu'en Juillet, au musée Jean Moulin)

- De l'Arménien à Montmartre, le mouvement arménophile en France 1878-1923 (jusqu'en Juillet, au musée de Montmartre)

- Parfums d'Arménie de la Compagnie de danse Yeraz (plusieurs dates en Ile-de-France dont 2 spectacles à L'Olympia le 8 mai)

- Armenia Sacra (jusqu'au 21 mai, au musée du Louvre)

Mais vous pouvez voir la liste selon les mois, les disciplines et les régions sur:

>> Arménie mon Amie<<

Ce Dimanche 6 Mai, Vivement Dimanche est consacré à Charles Aznavour, et le concert à Erevan de Septembre est diffusé à la suite de l'émission, dans le cadre de l'année de l'Arménie.

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Commentaires
S
oui c'est sûr... mais tu crois pas qu'ils allaient mettre ca à une heure de grande écoute non plus, afut pas rêver. estimons-nous déjà heureux... on va dire. et puis une émission ca s'enregistre hein d'abord, non mais!
F
"vendredi 11 mai à 14h45"<br /> et ceux qui bossent ? :)
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